• Le supplice de la babiche

    Le supplice de la babiche (par Di)

     

    Encore sous le choc de la gifle que Josée, la femme du pilote Jeff Allaire, lui a donné ce matin, Angélique dit à Jonas au téléphone qu’elle l’attend chez elle. Elle cherche l’adresse de Jeff, oublie Jonas et part en coup de vent en sortant par la grande porte au rez-de-chaussée de l’immeuble, juste à l’instant où il entre, mais leurs regards ne se croisent pas. Ils sont trop occupés à ruminer leur ire contre Joée. Jonas veut sauver son ami des griffes de cette fée en Le supplice de la babicheapparence qui n’eLe supplice de la babichest en réalité qu’une sorcière et Angélique veut qu’elle s’explique pour la claque qu’elle lui a gravée sur la joue. Jonas monte à l’étage, entre par la porte laissée ouverte, fait le tour de l’appartement et le trouve bien vide sans elle. En regardant You s’impatienter devant un oiseau qui se moque de lui, sachant qu’il est protégé de ses griffes par la fenêtre qui les sépare, cela lui fait penser qu’Angélique n’entend pas à rire sur certaines choses et qu’il devrait immédiatement se rendre chez Joée pour limiter les dégâts.

     

    Heureusement, il la trouve au coin de la rue tout près de la bouche de métro d’où les gens sortent comme des polichinelles qui se suivent à la Le supplice de la babichequeue leu leu, pressés d’arriver chacun chez eux. Il la prend par le bras pour la détourner de l’entrée mais ignorant que c’est lui qui la tient, elle le traite de cochon. A ce mot, les usagers du métro s’arrêtent tous en même temps, regardent Jonas d’un air soupçonneux et font une demi-minute de silence. Revenus de leur stupeur, ils reprennent leurs soucis et leurs pas. Angélique se dirige vers l’escalier roulant et Jonas la suit.

     -    Viens ici ma belle … 

    -    Laisse-moi tranquille. C’est moi que Joée a tapée, pas toi. Et c’est à moi de lui donner une correction.

    -    Ecoute Angélique … Je sais que tu es en colère mais si tu la touches, elle va s’organiser pour faire croire au juge que tu l’as tapée la première. Les empreintes digitales imprimées sur ta joue qui prouvent ton innocence ne serviront plus à rien. Tu es bouleversée. Je viens avec toi.

    -    Je ne suis pas bouleversée. Je suis fâchée et ça fait mal.

    -    J’ai une meilleure idée : Tu connais la babiche ?

    -    Ben oui. Des lanières de cuir d’animal que les Indiens séchaient et étiraient pour fabriquer des raquettes pis toutes sortes d’affaires.

    -    C’est ça, mais il y a une autre signification au mot. Écoute-moi. On va lui faire le coup de la babiche.

    -    C’est quoi ça ?

    -    Je vais t’expliquer dans un club secret à l’abri des oreilles indiscrètes. On va sortir à la station UQAM. C’est là, pas loin de chez Joée et Jeff. 

    -    Pourquoi ces mystères ? Tu ne peux pas m’expliquer en marchant tout simplement ?

    -    C’est que j’aimerais sortir avec toi plus souvent. C’est une belle occasion, tu penses pas ?

    -    Parle Jonas. Tu commences à m’énerver toi aussi.

    -    Moi ? Moi aussi je t’énerve ? Moi comme qui ?

    -    Toi comme You. Toi comme tu, toi comme Jonas de Bellegueule, toi comme ma mère…

    -    Ne me mets pas pire que je suis. Ok ? La babiche dont je parle a un autre sens que la babiche des Indiens. D’abord, en premier, il est très important de savoir qu’une babiche ne se donne pas. Elle se fait.

    -    Ah oui ?

    -    Oui. La babiche est une torture que j’ai appris à opérer à la CIA, un moyen astucieux pour parvenir à tirer des informations à de redoutables ennemis. Elle est faite par l’effleurement d’un doigt fait respectueusement mais avec condescendance sous le menton de l’adversaire, en disant «babiche», mais en prononçant baveusement «babichhhe». La babiche, c’est presqu’une caresse sur le point de tomber dans la détresse.

    -    Et puis, à quoi ça sert ta caresse.

    -    Pour tout dire, la caresse de la babiche est intolérable. Elle sert à énerver les neurones du cerveau qui réagissent mal au contact du doigt qui babiche.

    -    C’est légal ?

    -    Tout à fait honnête et légal. L’avantage de ce supplice est qu’il est fait sans douleur. Quelques babiches suffisent pour que le babiché supplie le babicheur d’arrêter de le babicher. S’il ne parle pas dans les premières minutes, on s’y met à deux ou trois pour le babicher. S’il sait quelque chose qui nous intéresse, il dira tout.

    -    Et s’il ne sait rien ?

    -    Il ne dira rien. Après cinq minutes, on le libère.

     

    Elle place son index droit à l’horizontale et sans qu’il s’y attende, elle le glisse sous le menton de Jonas, en disant :

     

    -    Babichhhhe …

    -    Ne fait pas l’enfant Angélique. La babiche est plus humiliante à recevoir qu’un soufflet donné par un baron quelconque susceptible de te provoquer en duel, avec un gant blanc et mou, rien que pour un oui ou pour un non.Le supplice de la babiche

    -    Donc, j’ai fait une babiche réussie. C’est donc vrai que la théorie ne vaut pas la pratique et ça prouve que ce n’est pas une affaire d’enfant. Je te rebabiche deux fois de suite, d’accord ? Je le fais et je te dis … double-babiche …

    -    Arrête ! Tes babiches m’irritent au plus au point. J’en ai assez. Je vais tout te dire.

    -    Parle Jonas de Bellegueule. Parle.

    -    Personne ne t’a jamais aimée comme moi je saurai t’aimer.

    -    Laisse faire. Toi et tes démons, tu pourrais m’amener en enfer.

    -    Je te promets le Paradis jusqu’à la finLe supplice de la babiche des jours…

    -    Ce sont des paroles de Gourou.

    -    Je te jure que si tu travailles en binôme avec moi, Joée va faire du temps en prison et Jeff sera libéré de son emprise.

    -    Triple-babiche … 

    -    Arrête !  -  ARRÊTE  ! !   -   A-R-R-Ê-T-E   !  !  !

    -    Ok – Ok – C’est toi le boss.

     

    Ce qu’il aime avec Angélique, c’est qu’elle lui donne l’impression d’être le boss et même si elle décide de tout, cela lui convient comme cela. D’un commun accord, ils s’entendent pour attiser le courroux de Joée par l’utilisation de cette arme redoutable qu’est la babiche.


    Ils arrivent sur la rue de Jeff. De la fenêtre, ce dernier aperçoit Angélique. Comme il ne sait pas que sa femme l’a agressée ce matin, il appréhende sa jalousie quand elle verra qu’il travaille avec une jolie femme. En attendant, il se cache derrière le rideau.

     

    Angélique sonne à la porte. Jonas reste un peu à l’écart et sort sa caméra cachée dans ses bobettes et se prépare à enregistrer la scène. Quand Joée ouvre la porte et la reconnait, elle devient blanche comme un drap.

     

    -    Qu’est-ce que tu fais ici!!! Mon mari n’est pas là … Pétasse !Le supplice de la babiche

    -    Oui je sais cela et cela me cause du stress contre-indiqué pour ma paix, répond Angélique.

    -    Et à moi, cela fait gronder la colère. Va-t’en ou j’appelle la police.

    -    Cela me cause du chagrin qui se transformera en peine pour vous. Je ferai une plainte contre vous, madame Joée Allaire, pour « assaut ». Regardez ma peau…Le supplice de la babiche

    -    C’est pas moi qui ai fait ça … Je n’ai rien fait. Je suis innocente.

    -    Comme vous avez laissé vos empreintes digitales sur ma joue, vous irez tout droit en prison.

    -    Tu ne pourras pas le prouver… Va t-en ou je crie …

    -    Comme un chien fou qui aboie sans savoir pourquoi ? 

    -    Je ferai une tentative de suicide en m’arrosant d’eau bouillante …

    -    Vous me faites perdre du temps qui n’est pas à distribuer à tous les vents. Finissons-en !

    Jonas rit dans sa barbe du matin. Il remet sa caméra dans ses bobettes et s’avance vers Joée qui le voit pour la première fois depuis le début de son altercation avec Angélique. Il s’approche plus près encore et passe son index sous son menton, en disant «babichhhe», d’un air baveux. Elle est doublement outragée lorsqu’Angélique lui fait une babiche à son tour en disant «double babichhhhe». Elle est au paroxysme de son énervement quand Jonas la rebabiche. Elle crie en parlant et arrache des mains le cellulaire d’Angélique pour le lancer dans la rue. Un témoin le reçoit sur le front, perd ses lunettes et les cherche sur le trottoir. Un autre témoin les écrase par mégarde. Une vieille dame est témoin et avoue que c’est la femme enragée qui a commencé la chicane.

     -    Jeff sort de sa cachette, va sur le balcon et dit à sa femme, tristement… 

    -    Babichhhhe pour toi Joée … Je te quitte. C’est fini toi et moi. 

    -    Au nom de nos enfants et pour nos petits enfants, sauve notre amour, mon amour. Jeff …. Aime-moi. Je te l’ordonne.

    -    Attention Joée. Ce que tu dis fait descendre ma pression qui change mes expressions et me conduit vers une dépression.  

    -    Jeffffff ! Je t’ai créé à mon image. Tu n’es rien sans moi. Reviens …

     Les policiers arrivent après une demi-heure de retard car ils se sont fait arrêter par la police, pour excès de vitesse. Joée a les yeux sortis de la tête et gesticule les baguettes en l’air comme si elle orchestrait un vaudeville. Pendant que le sergent va chercher les menottes dans son auto, Angélique fait à nouveau la babiche à Joée, suivie par Jonas qui récidive avec une double babiche… Le sergent revient avec les menottes attachées à ses propres mains. Son collègue lâche son beigne et vient à sa rescousse pour le délivrer de lui-même. De nombreux témoins appellent l’ambulance. 

     

    -    Lâchez-moi la police. Espèces de brutes. Et pis toi Angélique. Mange de la marmalade, de la marmalade aux pruneaux.

    -    C’est assez le chialage, madame Allaire, dit le collègue du sergent.  

    -    Et vous les curieux, arrrrêêêtez  de vous babicher, bande de babicheux, dit l’autre, en regardant l’attroupement de voisins qui se babichent à leur tour.  

     

    Quatre ambulances arrivent en même temps. Les sirènes hurlent plus fort que Joée, mais enfin, on ne l’entend plus. Finalement, elle sera inculpée de cinq chefs d’accusations : assaut en double, violence conjugale, avoir troublé la paix et insultes à des agents de la Paix. N’ayant plus rien à voir, les gens se dispersent. 

     

    -    Tu t’angélises Jonas…

    -    Qu’est-ce que tu veux dire ?

    -    Je veux dire que tu es devenu mon ange gardien…                                    

    -    Il n’est pas permis d’en douter…

    -    Et moi, je me Jonanlique.

    -    C’est bizarre comme on s’anjaunise nous deux, dit Jonas.

    -    Et là, qu’est-ce qu’on fait ?

    -    Je t’amène à l’hôpital St-Luc. Il faut trouver une infirmière pour désinfecter ta joue afin que je puisse y faire des bisous sans danger.

     

    Le supplice de la babiche

     

        Di

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 21 Septembre 2013 à 16:16

    Hou la la, que d'émotions ! Enfin, un énorme problème de réglé, mais pas sans mal. Le supplice de la babiche et de la double babiche me laisse frissonnante ... Bravo pour l'atmosphère trépidante et surréaliste de tout l'épisode ! Bizzz, Di, Marcus et Marie Louve qui lira quand elle pourra.

    Hop, pages de liaison vers tout cela d'ici ce soir ... Et mon aventure à moi à terminer ...

    2
    Di
    Dimanche 22 Septembre 2013 à 15:48

    Je pense que j'ai envoyé une copie des épisodes à Marie-Louve. Je me souviens. Elle m'a fait des commentaires avant son départ. La babiche est très frustrante à recevoir car elle est faite à partir du cou jusqu'au bout du menton. Comme à rebrousse-poil. Mais elle n'est aucunement douloureuse physiquement. À bientôt ! xxxx    http://leblogdelenaig.over-blog.com/

    3
    Di
    Dimanche 22 Septembre 2013 à 16:06

    J'ai réussis à entrer sur la page, enfin. À toi Hélène ...

    4
    om salma
    Dimanche 22 Septembre 2013 à 19:49

     et bien je n'vais pas dormir idiote ce soir, je n'connaissais pas ce mot - existe-t-il vraiment ou c'est une invention ? bravo pour ce récit si bien fisselé :)

     

    5
    Di
    Mercredi 25 Septembre 2013 à 15:25

    Les Amérindiens séchaient des peaux de caribous en fines lanières et les étiraient par la suite pour en faire des raquettes ou autres choses. Mais faire la babiche c'est un truc que les enfants et leurs amis faisaient pour s'amuser. Même s'ils étaient déjà grands. Je fus babichée et c'est pour ça que je sais ce que c'est que de se faire faire la babiche. Mais j'ai aussi babiché. Était babiché qui babichait mais certains ne l'étaient pas car ils étaient plus vite que le babicheur. C'est à peu près ça. 

    6
    Di
    Mercredi 25 Septembre 2013 à 15:33

    Faire la babiche dans le sens ici de supplice n'a rien à voir avec la babiche des Amérindiens. 

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